Bien que de nombreuses incertitudes subsistent, les prévisions sont peu plaisantes. Comme nous l’avons vu dans notre précédent article « Achats et Climat : anticiper pour mieux s’adapter », les constats scientifiques sont alarmants. Gel tardif, précocité cultural, humidité des sols, effondrement de la biodiversité… Autant de facteurs influençant les rendements à la baisse et dont les incidences économiques se dessinent.
Contrairement à la crise du Covid-19 que les acheteurs n’ont pas vu venir, ces prochains changements peuvent être anticipés par nos organisations achats. Mais comment s’adapter à un tel bouleversement ? Quelle stratégie d’achat durable adopter ?
Stratégie achat durable et RSE, des normes comme cadre général
Publiée en 2017, la norme ISO 20400 vient compléter la norme ISO 26000 qui apportait un cadre général à la mise en place de démarches RSE en entreprise. Comparable au label RFAR porté par le ministère de l’économie, la norme ISO 20400 incite à saisir les risques et opportunités apportés par des achats durables.
Bien que ces démarches conduisent à plus de résilience dans nos entreprises et tendent à réduire l’empreinte environnementale de nos activités, la simple application de celles-ci ne suffira pas à aborder sereinement les conséquences du dérèglement climatique sur nos achats.
Elles apportent néanmoins les clefs de mesure nécessaires à la valorisation d’une stratégie achat durable en entreprise.
Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge !
Mesurer pour mieux régner
Avant toute chose, il est indispensable de mettre en place les indicateurs permettant de suivre l’évolution des actions menées par votre service achats. Mesurer l’existant vous permettra :
- de faire l’état des lieux de vos pratiques
- d’identifier les axes d’amélioration
- d’en déduire un premier calendrier d’actions
Cette méthodologie est déjà utilisée par bon nombre de services achats pour suivre leur performance, leur productivité ou encore leur leadership interne à travers des KPI soigneusement choisis. Rien de très nouveau donc.
Pour autant, la nature des indicateurs à suivre dans le cadre d’une stratégie achat durable et résiliente est bien différente.
Exemples d’indicateurs à intégrer dans votre stratégie achat durable :
– L’empreinte carbone des achats, qui servira par la suite à compléter les données utiles à la vision du SCOPE 3 de l’entreprise entière. Rappelons que depuis la loi grenelle II, toute société, ou filiale dans le cas d’un groupe, de plus de 500 salariés doit réaliser tous les 4 ans un calcul de ses émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), comme un Bilan Carbone, intégrant a minima les SCOPES 1 et 2 ainsi que 80% des émissions du SCOPE 3. On parle ici des émissions significatives.
– Le taux de fournisseurs calculant et partageant les données de leur propre empreinte carbone (scope 1, 2 et 3).
– L’alignement des plans d’actions de réduction des émissions de vos fournisseurs avec les accords de Paris (en valeur absolue).
– Le niveau d’exposition aux risques climatiques de chaque famille de produit (submersion, stress hydrique, incendie, etc) afin d’estimer l’impact de ces conséquences sur la chaine de valeur de l’entreprise.
– La répartition géographique de la production en adaptant le niveau de maillage (Pays, région, bassin versant, etc) aux risques associés. Cet indicateur reprend l’exacte logique de Kraljic, bien connu des acheteurs. Il permet d’évaluer le niveau de concentration de la production. Plus celle-ci sera morcelée, plus le risque sera dilué, et inversement. Cet indicateur peut également être associé à l’Indice de vulnérabilité physique au changement climatique (PVCCI) proposé par la FERDI.
– Le taux de fournisseurs ayant intégrés ces nouveaux risques dans leurs plans de contingence et dans leur stratégie achat durable.
– Part de la dépense achat servant à financer la transition et l’adaptation de ses fournisseurs.
– Taux de références achetées incluant une Analyse de Cycle de Vie (ACV Iso compliant ou uniquement PCF) ou un facteur d’émission individualisé (FE) transmis par le fournisseur.
– etc
Nous aurions pu intégrer de nombreux autres indicateurs comme l’aspect de saisonnalité des usages ou encore le niveau d’intégration de l’entreprise dans sa chaine de valeur. Néanmoins, nous pensons que la direction achats doit définir, en collaboration avec le responsable RSE ou le consultant en achat durable, ses propres indicateurs pour plus de spécificité et donc de pertinence.
Ces indicateurs doivent venir en complément de ceux déjà en place dans le cadre de la stratégie achat durable. Comme l’environnement qui nous entoure, nous devons adopter une vision systémique, cela pour éviter le phénomène d’« arbre qui cache la forêt ».
Agir, parfois contre son intuition ?
Vos indicateurs sont prêts, vous avez réalisé vos premières mesures et dressé un état des lieux. Alors que la liste des sujets priorisés sort de votre imprimante, vous ne pensez qu’à une chose : passer à l’action !
Comme nous l’avons vu dans notre étude de cas « Sourcing Local vs. Importation » en prenant l’exemple d’une tomate fraîche importée du Maroc versus une tomate cultivée en Bretagne, l’action nécessite avant tout réflexion.
En effet la complexité du sujet que nous traitons est tel que le bon sens et l’intuition ne peuvent à eux seuls guider nos actions. De nombreux cas contre intuitifs le démontrent pouvant significativement freiner vos avancés et ainsi vous éloigner de vos objectifs.
Il est primordial de bien identifier les leviers à intégrer dans sa stratégie achat durable, de construire une grille d’analyse adaptée et surtout de calculer son bilan carbone méthodiquement sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Ce recul et cette humilité face à ces sujets complexes et systémiques sont nécessaires pour garantir une action efficace de la part de votre service achat.
Agir efficacement : entre exigence et challenge long terme
En termes de décarbonation, l’action est toujours un marathon pour un service achats. Entre des fournisseurs très en retard face à ces questions et des données bien trop souvent agrégées, c’est à vous, service achats, que revient le rôle de manager de l’amont !
Vous allez devoir accompagner vos fournisseurs vers une meilleure durabilité sans quoi vous ne pourrez pas atteindre vos propres objectifs. Après avoir réalisé la décomposition de vos produits et établi une cartographie des risques associés à vos achats vous aurez la vue nécessaire sur les priorités de votre portefeuille.
Pour vous aider, les consultants achats expert carbone de Buying & Solutions vous ont dressés une liste non-exhaustive d’actions que vous pourriez mettre en œuvre dans votre stratégie achat durable :
- Être moteur dans le rapprochement entre vos fournisseurs et des acteurs externes accélérant la transition (énergies décarbonées, audit énergétique, cabinet de conseil spécialisé, …)
- Selon vos priorités, incitez vos fournisseurs à l’agroforesterie, à la diversification des variétés cultivées, à adopter une gestion intégrée de la ressource en eau
- Travaillez avec votre supply chain pour simplifier et raccourcir la logistique
- Accompagner vos fournisseurs vers un usage réduit des intrants (azote, phosphate et pesticides) tout en privilégiant le recyclage des nutriments
- Soyez vigilant sur l’origine des produits pour éviter une déforestation accrue (principalement soja, huile de palme et cacao)
- Intégrez dans vos cahiers des charges l’interdiction du recours à la déforestation en particulier concernant l’alimentation animale
- Challengez votre R&D dans ces choix de développement en orientant vers des recettes moins carbonées
- Engager vos fournisseurs à mesurer leur empreinte carbone directe ET indirecte (le SCOPE 3)
- Demandez à vos fournisseurs (voire co-financez) la réalisation d’une Analyse de Cycle de Vie Carbone sur vos principaux achats
- Soyez attentif au mix énergétique du pays de production de vos produits
- Travailler avec vos fournisseurs, quand cela est possible, pour recycler vos propres reliquats de matières premières
- …
Recourir à un consultant en achat expert carbone
Après avoir sécurisé les dépenses de l’entreprise, les acheteurs vont devoir manager cette transition et accompagner l’amont dans leur sillage pour atteindre leurs propres objectifs environnementaux.
Le chemin sera long mais passionnant et nécessaire pour limiter les conséquences d’un dérèglement systémique vers lequel nous courrons. Il faut agir. Agir vite et agir correctement.
Face à la complexité du sujet et pour éclairer des décisions parfois non maitrisées, le recours à un consultant achats expert carbone est une vraie valeur ajoutée pour votre service achat. Son savoir-faire vous assurera un gain de temps face à des fournisseurs rarement experts et à un service RSE interne dans l’attente de résultats probants. Ne restez pas seuls face à ce challenge, construisons ensemble votre stratégie achat durable, faites appel aux bons savoir-faire : parlez de vos besoins !
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La nature même d’une société de conseil en achats comme Buying & Solutions est de proposer rapidement, et pour des durées variables, l’expert métier autonome et polyvalent qui répond aux besoins de son client, le tout à un coût maîtrisé.
Sources :
- Payen, S., Basset-Mens, C., & Perret, S. (2015). LCA of local and imported tomato: An energy and water trade-off. Journal of Cleaner Production, 87, 139–148.
- Ecobilan énergétique des supply chain d’importation de fruits et légumes ‐ Application à la filière tomate, Pauline Feschet, 2008
- Durabilité environnementale, qualité nutritionnelle, impacts socio-économiques dans les filières fruits et légumes : la tomate sous la loupe, FLONUDEP, 2014
- La Fondation pour les études et recherche sur le développement international
Illustration de couverture d’après NicoElNino