Tout le monde connait le chocolat, cet or noir comestible que nous aimons consommer chaud ou froid, sous forme solide ou liquide. À l’approche de Noël, ce chocolat va être dégusté chaque jour par les petits et les grands enfants à l’ouverture des cases de ce fameux calendrier.
Mais savez-vous d’où il vient ? Comment le transforme-t-on ?
Nous allons répondre à ces questions qui nous permettront d’aborder dans un prochain article la particularité des chocolats issus d’agriculture biologique et du commerce équitable.
Après cette lecture, votre expertise du chocolat épatera vos convives à Noël !
Assortiment de cabosse après récolte à Ambanja, Madagascar. Philstone, 2009. Licence CC (sources : wikimédia.org)
La filière du cacao, de la cabosse à la tablette
Le cacao est une matière première agricole qui désigne le fruit d’un arbre : le cacaoyer. Portant le nom binominal de theobroma cacao, cet arbre exigeant pousse majoritairement dans les zones tropicales et plus particulièrement dans les zones chaudes et humides situées entre le 20e parallèle nord et le 20e parallèle sud.
Ses premiers producteurs en volume sont la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui représentent à eux seuls près des deux tiers des fèves consommées dans le monde (2018).
Le cacao est connu depuis plus de 3000 ans. Il provient d’Amérique centrale où le cacaoyer était considéré comme un arbre sacré. Historiquement, la fève servait de monnaie d’échange et était consommée sous forme de boisson par les dignitaires Mayas et Aztèques.
De nos jours, son commerce (la filière du cacao) est cadré, par l’ICCO notamment, et ne déroge pas à la « règle » que subissent les matières premières convoitées : la volatilité du marché.
Cette instabilité s’explique par le côté imprévisible des aléas climatiques (notamment El Niño), la saisonnalité du produit et un déséquilibre de l’offre et la demande tout en restant impacté par les tensions géopolitiques éventuelles. Pour ce type de produit, nous parlons communément de « marché des commodités [1]».
Comme le précise la société financière IG Market, le cacao est une « soft commodity [2]». Il s’échange quotidiennement sur les marchés boursiers, notamment ceux de Londres, avec le London International Financial Futures and option exchanges, et de New-York, avec la branche CSCE [3] du New York Board of Trade.
Cultivé principalement en Afrique et en Amérique du Sud, ce cacao est majoritairement consommé en Europe et aux États unis, qui représentaient, à eux seuls en 2010, 73% des exportations de la filière du cacao mondiale. Néanmoins, le consommateur final le consomme majoritairement sous une forme transformée : le chocolat.
Ce résultat est le produit d’une succession de transformations longues et précises qui impacteront la finesse du chocolat tout autant que la qualité de la fève employée.
De la récolte à la masse de cacao, étape par étape
Une fois le fruit du cacaoyer arrivé à maturité, en général quatre à cinq mois après floraison, l’exploitant cueille manuellement cette cabosse. Après récolte, la première étape consiste à extraire les fèves en fendant la cabosse en deux : c’est l’écabossage.
Entourées d’un tissu mucilagineux visqueux et fort en polysaccharides, les fèves, de tailles et de formes variables, sont ensuite séparées de cette pulpe blanche dans les trois jours suivants la récolte.
Ce coproduit pourra être utilisé dans la fabrication de boissons rafraichissantes ou sera fermenté pour obtenir un alcool. Cette étape doit être réalisée rapidement du fait des températures élevées et de la présence de grandes quantités de sucre présents dans cette enveloppe visqueuse qui se dénature très vite. Un triage rigoureux des fèves permettra d’assurer un produit de qualité en écartant les grains marrons ou noircis.
Cette étape étant fastidieuse et chronophage, tous les exploitants ne suivent pas le même procédé. En effet, certains préfèrent réaliser un tri rapide lors de l’écabossage et sépareront les fèves du rachis[4] pendant la fermentation ou le séchage. Cette méthode plus rapide aura un impact sur la qualité finale du cacao transformé ou pas.
La fermentation : apparition des précurseurs aromatiques
L’étape suivante est la fermentation. Elle débute 24 heures après l’écabossage, aura pour effet d’arrêter la germination, d’éliminer le mucilage et durera de huit à dix jours.
Les 48 premières heures ont lieu en phase anaérobie, indispensable à la fermentation alcoolique. Puis un brassage tri-hebdomadaire est réalisé afin de passer en phase de fermentation acétique (aérobie). Cela aura pour effet d’éliminer l’alcool résiduel et favorisera l’apparition de levures.
Cette succession de fermentation va aussi apporter à la fève les précurseurs aromatiques caractéristiques du chocolat tout en réduisant son amertume.
Un bon séchage pour une meilleure conservation
L’arrêt de la fermentation est possible grâce au séchage des fèves. Il existe près de dix façons[5] de sécher les fèves mais la méthode la plus communément utilisée reste la plus simple, à savoir le séchage naturel par rayonnement solaire.
Le séchage dure de huit à vingt jours en fonction de la variété du cacao, des conditions climatiques et de l’état des fèves. La graine va être brassée régulièrement et perdre près de 2,5 fois son poids. Cette étape doit permettre d’abaisser le taux d’humidité de la graine, d’environ 60% à près de 8% en un temps convenable.
Un séchage trop rapide augmenterait l’acidité de la fève alors que le faire trop lentement augmenterait le risque de moisissures. Une fois séchée, la fève peut être conservée, et donc stockée au gré de la demande, et exportée : on parle alors de fèves de cacao ou de cacao marchand.
Pourtant, nous pouvons lire dans l’étude présentée dans l’article de revue intitulé « Caractérisation des techniques de séchage du cacao dans les principales zones de production en Côte d’Ivoire et détermination de leur influence sur la qualité des fèves commercialisées » (Kouakou et al, 2013) que de nombreux producteurs (plus de 40% de ceux interrogés) ne respectent pas les temps de séchage préconisés.
Ce comportement a une influence directe sur la qualité du chocolat qui en découlera. Aussi, il s’avère que cette période permet aux producteurs de continuer le triage des fèves et d’écarter les résidus de pulpes et autres débris encore présents. Ce « contrôle qualité » sera bien évidemment réalisé moins rigoureusement si cette durée est diminuée.
L’expédition des fèves de cacao vers le chocolatier
Les fèves de cacao ainsi obtenues quittent généralement leur continent de production vers celui de transformation.
En effet, peu d’entreprises locales sont capables d’agir dans l’intégralité de la transformation du cacao en tablette de chocolat. Les productions de cacao sont souvent de petites exploitations de quelques hectares. Le reste de la transformation revient souvent à l’une des entreprises multinationales parmi la dizaine de sociétés positionnées sur le marché du chocolat (comme Barry Callebaut, Mondelez, Nestlé ou Mars par exemple). Cet oligopole laisse apparaitre un certain déséquilibre dans la relation commerciale.
« Pour obtenir 1 Kg de chocolat, environ 300 à 600 fèves de cacao sont traitées, en fonction de la teneur en cacao souhaitée. » (www.intellivoire.net, 2014)
À l’instar d’autres grains, comme le café, la fève de cacao, une fois nettoyée, subi une torréfaction. La température et le temps de chauffage dépendent de la variété du cacao et du savoir-faire du maître chocolatier.
Cette étape a un rôle majeur dans l’organoleptique du produit, car c’est ici que vont se développer les arômes du chocolat.
De la masse de cacao à la tablette de chocolat
À la suite de la torréfaction vient le concassage. Cette étape de broyage va permettre de retirer la coque des fèves de cacao pour n’en garder que la partie centrale : la graine.
A la suite de la torréfaction vient le concassage. Cette étape de broyage va permettre de retirer la coque des fèves de cacao pour n’en garder que la partie centrale : la graine.
Celle-ci sera alors broyée et deviendra liquide. On appellera ce produit la « masse de cacao » ou « liqueur de cacao ».
De ce produit pourra être obtenu deux coproduits : la poudre de cacao, qui servira notamment dans les boissons chocolatées et le beurre de cacao.
Cette masse va par la suite être mélangée à d’autres ingrédients, comme le sucre ou le lait en poudre par exemple, et auxquels vont être ajouté une part plus ou moins importante de beurre de cacao, suivant la recette voulue : le chocolat est né.
Avant de passer à l’étape de conchage, le chocolat va subir le travail de presses cylindriques, ce qui aura pour but de l’affiner : il ne mesurera plus que quelques microns.
Conchage et tempérage, les moments clés de la transformation
L’antépénultième étape de transformation de ce chocolat sera le conchage. Cette étape consiste à mélanger lentement le chocolat à une température comprise entre 60°c et 80°c et pendant une durée plus ou moins longue (de quelques heures à plusieurs jours). Les maîtres chocolatiers se gardent bien de dévoiler ses éléments, responsables de la finesse et de l’onctuosité de leur chocolat.
Le tempérage est la dernière étape de transformation qui apportera, par chauffage et refroidissement du chocolat, brillant, cassant, fondant et rendra la tablette lisse.
Le moulage conclu ce long processus. C’est à ce moment-là que les grosses inclusions seront ajoutées si nécessaire.
Chocolat, autant de recettes que de gourmands !
Il existe une infinité de recettes de tablettes de chocolats différentes (avec ou sans inclusions, avec plus ou moins de sucre, etc) mais nous pouvons les classer en trois grandes catégories :
- Les chocolats noirs, composés de masse de cacao, de beurre de cacao, souvent de sucre et parfois de vanille et d’une graisse végétale autre
- Les chocolats blancs, composés de beurre de cacao, de sucre et parfois de vanille et de graisse végétale autre
- Les chocolats au lait, composés de masse de cacao, de beurre de cacao, de sucre, de poudre de lait et parfois de vanille et de graisse végétale autre.
Les différents acteurs de la transformation
Notons que nous pouvons différencier quatre types d’acteurs dans la fabrication de ces tablettes. Ils se distinguent par leur taux d’internalisation. Ainsi, nous retrouverons :
- Les couverturiers, ce sont de très grosses entreprises industrielles., spécialisées dans la fabrication d’un produit standardisé. Ce chocolat dit de « couverture » sera vendu à un autre industriel. Ils transforment ainsi la fève de cacao en masse de cacao, souvent liquide, ou en lingots de chocolat de couverture.
- Les bean to bar, ce sont les industriels les plus intégrés. En effet, ils gèrent toutes les étapes de transformation depuis la torréfaction jusqu’à l’emballage.
- Les transformateurs, ce sont des industriels de tailles moyennes. Ils ne sont pas équipés du matériel de torréfaction, souvent pour des problèmes de volume de production trop faibles. Ils vont donc acheter de la masse de cacao directement auprès d’un couverturier et continueront la transformation jusqu’à la tablette.
- Les artisans fondeurs sont souvent de plus petites entités. Ils achètent du chocolat de couverture à un couverturier afin de le fondre et de le retravailler.
Bien que l’industrie du chocolat puisse fonctionner tout au long de l’année, il n’en est pas de même de la production de cacao.
En effet, cette matière première agricole est soumise à la saisonnalité. Seules deux périodes de l’année, principalement le printemps et l’automne, permettent de récolter des fruits.
De plus, nous devons distinguer les produits issus de l’agriculture biologique, d’une part, et du commerce équitable, d’autre part, du marché global. Ces produits suivent un modèle spécifique que nous abordons dans notre article « Marché du chocolat, le cacao bio et équitable« .
À présent, vous savez tout sur les secrets de fabrication du chocolat. Lors de votre prochaine dégustation, arriverez-vous à percevoir l’acidité persistante après la fermentation ou la douceur apportée par le chocolatier lors du conchage ? À vous de me le dire en commentaire ! Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter… une bonne dégustation !
Sources
[1] Terme anglais « commodities » désignant « tous les biens pour lesquels il existe une demande, mais dont l’offre sur le marché est fournie sans différence qualitative pour un même produit. » (Sources : www.master-finance.weebly.com)
[2] Les « hards commodities » faisant références aux matières premières minérales, comme le cuivre ou le pétrole par exemple
[3] CSCE = Coffee, Sugar and Cocoa Exchange
[4] Partie centrale de la cabosse autour du quel sont agglomérées les fèves
[5] Nous pouvons citer le séchage sur natte, par séchoir à air chaud, ou encore le séchoir autobus (source : www.chococlic.com)
ICCO, janvier 2017, cité par le syndicat du chocolat dans son rapport de Mars 2017 intitulé « Les chiffres clés 2016 des industries de la chocolaterie »
BAREL Michel. Marchés et production du cacao | Dossier. [en ligne]. Disponible sur : http://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/botanique-cacao-chocolat-epopee-gourmandise-1516/page/6/
CHOCOCLIC. Le séchage des fèves de cacao. [en ligne]. Disponible sur : http://www.chococlic.com/Le-sechage-des-feves-de-cacao_a136.html
KOUAKOU Brou Julien, IRIE Bi Zahouli, DICK Emmanuel, NEMLIN Gnopo, BOMISSO Lézin Edson. Caractérisation des techniques de séchage du cacao dans les principales zones de production en Côte d’Ivoire et détermination de leur influence sur la qualité des fèves commercialisées.Journal of Applied Biosciences, 2013, Vol. 64, n° 1, pp. 4797–4812
RISTE Christine. Les dessous de la tablette, origines, composition, recettes.2015, n° 411, pp. 76
Conservation des grains en régions chaudes – Fiches signalétiques de quelques produits – Cacao, Café. [en ligne]. Disponible sur : http://www.fao.org/Wairdocs/x5164F/X5164f12.htm
De la fleur à la fève de cacao. [en ligne]. Disponible sur : http://baobab-gourmantche.over-blog.com/2014/11/de-la-fleur-a-la-feve-de-cacao.html
Gentric. Chiffres clés 2015 des industries de la chocolaterie. 23 juin 2016. [en ligne]. Disponible sur : http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Gentlemen%27s%20agreement/fr-fr/
Intellivoire. Savoir plus: Les principaux acteurs du cacao dans le monde. [en ligne]. Disponible sur : https://intellivoire.net/savoir-les-principaux-acteurs-du-cacao-monde/