Alors que les premiers rapports CSRD voient le jour et sont publiés, plusieurs aspects de cette directive pourraient être modifiés dans le cadre de la Loi Omnibus. Cette nouvelle loi est une initiative législative européenne visant à simplifier et harmoniser plusieurs réglementations, notamment dans le domaine de la durabilité des entreprises. Dans ce contexte, la Directive sur le Reporting de Durabilité des Entreprises (CSRD) joue un rôle central.
Cet article explore les principaux éléments de la CSRD et comment la Loi Omnibus pourrait l’affecter.
Qu’est-ce que la CSRD ?
Avant de présenter la proposition de Loi Omnibus et son implication concernant la CSRD, il est important de bien comprendre ce qu’est cette directive et ses objectifs.
Définition de la CSRD
Si vous n’avez pas encore lu notre article sur les exigences de la CSRD, faisons un petit rappel. Cette directive européenne a été adoptée en décembre 2022 et est entrée en vigueur en janvier 2024. Son objectif est de rendre l’information sur la durabilité plus transparente et accessible pour les investisseurs en standardisant les rapports extra-financiers des entreprises. La CSRD s’applique aux grandes, moyennes et petites entreprises, en fonction de critères spécifiques tels que le nombre d’employés, le chiffre d’affaires et le bilan.
Les objectifs de la CSRD
- Transparence et Comparabilité : La CSRD impose aux entreprises de fournir des informations claires et comparables sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. Cela permet aux investisseurs de prendre des décisions éclairées et favorise une économie plus durable.
- Élargissement du Périmètre : La directive s’applique à un nombre accru d’entreprises par rapport à la directive précédente (NFRD). Elle incluait ainsi les grandes entreprises non cotées et certaines petites et moyennes entreprises (PME).
- Standards de Reporting : La CSRD prévoit l’utilisation de standards de reporting sectoriels et européens pour assurer une cohérence dans les informations fournies.
Comment la Loi Omnibus va impacter la CSRD
La proposition de modification, dite Loi Omnibus, du 26 février dernier vise à simplifier et à adapter les réglementations environnementales et sociales en Europe, y compris la CSRD. Cependant, cette initiative a suscité des inquiétudes quant à un potentiel affaiblissement des normes environnementales et sociales. Certains acteurs estiment qu’une telle loi serait un retour en arrière de plus de 7 ans.
Principaux changements apportés par la Loi Omnibus
Report de l’entrée en application de la CSRD
La Loi Omnibus pourrait reporter de deux ans l’entrée en vigueur des obligations de reporting pour certaines entreprises (premier rapport en 2028 au lieu de 2026). Elle affecterait ainsi la deuxième vague d’entreprises concernées par la CSRD. Cela pourrait donner plus de temps aux entreprises pour se préparer. Mais ce contre coup pourrait aussi retarder la mise en œuvre des normes de durabilité.
Réduction du nombre d’entreprises concernées
La proposition pourrait limiter les entreprises soumises à la CSRD à celles ayant plus de 1000 employés et un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros. Cette proposition réduirait ainsi de plus de 80 % le nombre d’entreprises concernées. Un véritable allégement de la charge administrative pour les PME mais qui pourrait aussi réduire la portée de la directive.
Suppression des standards de reporting sectoriels
La Loi Omnibus pourrait également supprimer les standards de reporting sectoriels. Cette suppression pourrait simplifier les exigences mais pourrait aussi réduire la précision des informations fournies. Les standards sectoriels permettent de prendre en compte les spécificités de chaque secteur. Un élément crucial pour une évaluation précise et une bonne comparativité.
Suppression de l’évolution vers assurance raisonnable
Pour éviter l’inflation des coûts de l’audit, la Loi Omnibus propose de ne pas passer d’une assurance limitée à l’assurance raisonnable pour l’audit du rapport.
Que signifie la Loi Omnibus pour votre entreprise ?
Tout dépend de la taille de votre entreprise. C’est ce que nous allons détailler à présent :
Loi Omnibus pour les très grandes entreprises
La Loi Omnibus ne semble pas affecter les entreprises de plus de 1000 salariés et 50M€ de chiffre d’affaires ou 25M€ de bilan. Pour ces entreprise, la CSRD et la Double Matérialité sont préservées, sans décalage de reporting. Les indicateurs seront revus dans les prochains mois pour être légèrement simplifiés pour la prochaine publication. Il faut s’attendre à une révision des ESRS avec moins de data points obligatoires et un focus sur le quantitatif. La simplification n’est pas encore précisée, mais cela pourrait se rapprocher de la VSME ou de la LSME.
Impact de la Loi Omnibus pour les grandes entreprises
Pour les entreprises de 500-1000 salariés, la CSRD ne serait pas conservée au niveau Européen. Ainsi les lois locales comme la DPEF resteraient applicables. Dans 20 pays, dont la France, la CSRD est déjà transposée, donc reste à date applicable. Si le Parlement décide de maintenir la CSRD, la Commission recommande de décaler le calendrier de deux ans pour ces entreprises. Elles restent alors soumises au reporting cette année, tant que la France ne transpose pas le décalage.
En résumé, la plupart des entreprises de 500-1000 salariés vont donc aligner leur DPEF aux définitions et méthodes de calculs de la CSRD. Ainsi, il n’y aura pas d’analyse de double matérialité et le choix d’omission des indicateurs ne devront pas être justifiés.
Et les autres entreprises précédemment concernées ?
Pour les entreprises de 250-500 salariés, la CSRD serait tout bonnement supprimée suite à la Loi Omnibus.
Les entreprises qui ne sont finalement pas soumises à la CSRD pourront alors reporter de manière volontaire sur le standard VSME, en cours de développement.
Processus d’adoption de la Loi Omnibus
A noter que cette réforme n’est (à aujourd’hui) qu’une simple proposition. Avant qu’elle ne devienne réalité, un long chemin reste à parcourir. En effet, la Loi Omnibus suit un processus législatif impliquant le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne. Le texte doit encore passer par le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Les Etats membres et les eurodéputés vont alors négocier, amender voire modifier le texte. Rien n’est donc acté avant un vote final prévu entre mi et fin 2025.
Néanmoins, une directive européenne n’est pas directement applicable. Une fois adoptée, elle doit être transposée dans le droit national des États membres. Dans l’exemple de la France, il faudrait une loi ou une ordonnance. Ce processus peut prendre entre 6 et 12 mois. Ce qui nous amène à une application de la Loi Omnibus pour fin 2026 ou début 2027.
Les premiers rapports sous le nouveau cadre ne seront donc publiés qu’en 2028 pour l’exercice 2027.
Critiques et inquiétudes liées à ces modifications réglementaires
Les organisations environnementales et sociales craignent que ces changements ne conduisent à un affaiblissement des normes environnementales et sociales. Et cela malgré un soutien massif pour la CSRD et la CS3D dans les milieux économiques et la société civile.
La Loi Omnibus vise à simplifier les réglementations liées à la durabilité des entreprises. Néanmoins, elle soulève des questions sur l’équilibre entre compétitivité économique et protection de l’environnement et des droits humains. Cependant, même si la CSRD touche moins d’entreprises, elle a déjà permis de simplifier l’ESG en uniformisant certains éléments tels que les questionnaires investisseurs, les labels, …
Il nous semble donc évident que ce retour en arrière ne sera que temporaire. Même si la Loi Omnibus n’impose plus la CSRD pour certaines entreprises, elles s’équiperont du modèle de données par l’alignement du marché et de leurs parties prenantes.
Mais attention ! Jusqu’à l’adoption définitive de la Loi Omnibus, tout peut encore changer. Rien ne garantit que la version finale ressemblera au projet initial proposé le 26 février. Pendant ce temps-là, et jusqu’à transposition dans le droit français, c’est le cadre actuel qui doit s’appliquer !
Vous souhaitez en savoir plus et parler à l’un de nos experts CSRD ? Vous êtes au bon endroit !